L’impact des outils basés IA sur les métiers de l’embarqué
Le monde de l’embarqué nous offre un paysage dynamique où les équipes de développement, propulsées par l’avancée fulgurante des technologies et limitées par les impératifs de l’environnement, font face à de nombreux défis et opportunités.
Pour les comprendre, nous avons approché plusieurs acteurs d’un secteur qui va au-delà du logiciel. Les experts avec lesquels nous avons échangé proviennent de secteurs d’activité bien variés : banque, médical, industrie, automobile, défense, robotique… et ont une vision de l’embarqué qui est à la fois commune, mais aussi singulière et spécifique à chaque domaine.
Les grands enjeux du monde de l’embarqué reprend une analyse qualitative détaillée d’entretiens avec des acteurs du secteur de l’embarqué. On parle ici de tendances significatives et de problématiques spécifiques rencontrées, nous permettant de visualiser l’avenir qu’offre ce domaine.
Une thématique qui nous plonge au cœur des tendances de l’embarqué, permettant aux entreprises de s’exprimer sur comment surmonter les obstacles et enjeux imposés par ce secteur. Un premier article sur les contraintes les plus fortes perçues sur les projets embarqués ouvre le sujet sur l’ascension de l’Intelligence Artificielle (IA) et des outils basés IA qui prennent de plus en plus de place et viennent challenger les métiers de l’embarqué.
L’arrivée de l’IA et l’impact du numérique sur l’environnement font partie des grands sujets du moment et soulèvent de nombreuses réflexions quant à l’utilisation et l’intégration des outils basés IA dans les projets embarqués. Pour aborder ce sujet, nous avons soumis, pendant nos échanges avec les acteurs du monde de l’embarqué, la question suivante : Comment percevez-vous l’arrivée de l’IA et des outils basés IA dans les métiers de l’embarqué ?
1. Intégrer l’IA dans les projets embarqués, NON !
L’arrivée et le développement de l’IA dans les métiers de l’embarqué ne sont pas perçus comme une avancée positive pour la majorité des sondés. 47% des acteurs interviewés n’utilisent pas d’outils basés IA, et refusent même d’envisager leur utilisation. Une des raisons remontant le plus pour expliquer cela est le manque d’informations et de recul quant à l’utilité même de ces outils basés IA. Les sondés nous rapportent que les recommandations proposées par ces outils ne sont pas assez claires ou précises pour être utilisées avec confiance. Pour aller plus loin, certains des sondés mentionnent n’avoir aucune visibilité sur “ce qui se cache derrière ces outils”. Une chose est sûre, certains avis réfractaires sont catégoriques.
Attention, cette conclusion tirée des différents échanges fait tout de même suite à un test des outils basés IA par les sondés. Quand cela était possible ou que les développements leur permettaient, la plupart des acteurs ont testé ces outils sur des projets embarqués. ChatGPT a, par exemple, été testé et utilisé pour écrire un algorithme classique. Conclusion : l’outil n’a pas été en mesure de le faire. Les résultats n’ont globalement jamais été concluants (voire catastrophiques pour certains). Il a, également, été étudié pour la génération des tests unitaires. Bien que l’outil ait été en mesure de générer du code qui fonctionne, une vérification par le développeur a été nécessaire. Ces conclusions permettent de poser le constat que les métiers du domaine de l’embarqué requièrent un besoin réel en termes de connaissances humaines. Certains savoir-faire ne peuvent être remplacés par l’IA, notamment dans des projets embarqués critiques, tel que dans le secteur aéronautique où l’optimisation des trajectoires est un enjeu à fort impact.
Les projets embarqués font aussi face à de nombreuses contraintes en termes de normes, par exemple la norme DO160 qui qualifie les équipements utilisés dans le secteur aéronautique et spatial, et impose des limites quant à l’utilisation des outils IA. Certains acteurs sondés expriment ne pas avoir de visibilité pour ce qui est du respect des normes par l’IA.
L’aspect consommation d’énergie que requiert les outils basés IA lors de leur utilisation est également soulevée par les sondés. On retrouve des acteurs de l’embarqué avec peu de croyance en une IA qui demande beaucoup de ressources, voire trop. Aujourd’hui, les outils basés IA mobilisent une consommation énergétique qui est décuplée par rapport à ce qui est nécessaire à la même requête adressée à des outils plus frugaux.
2. L’IA au cœur de la transition écologique : un avantage concurrentiel pour l’embarqué ?
Quand certains acteurs du monde de l’embarqué restent catégoriques sur le refus porté à l’utilisation de l’IA, d’autres soutiennent les usages et proclament même l’obligation d’utiliser ces outils afin de rester compétitifs sur le marché (11% des interviewés ont qualifié l’utilisation de l’IA comme « obligatoire »). L’IA peut donc être aussi perçue comme un avantage concurrentiel, permettant à tout acteur de se démarquer.
Au total, 23% des sondés de cette étude utilisent des outils basés IA. Et ce, pour répondre à une problématique majeure : le temps de développement des logiciels. Les équipes de développement intègrent donc l’IA dans leurs procédés afin de gagner du temps mais pas seulement, une fois les développements réalisés, elle est à nouveau plébiscitée sur les actions de correction du code.
Dans certaines entreprises, l’utilisation de l’IA par les développeurs peut être amenée à être encadrée par la direction. Parmi les cas évoqués dans cette étude, bien qu’aucun accord à l’utilisation de l’IA n’ait été concrètement donné, il a été décidé que si les outils basés IA permettent aux développeurs de faciliter leur travail, elle est donc la bienvenue.
L’IA peut être perçue comme un outil supplémentaire pouvant accélérer le développement et permettre de se concentrer sur d’autres tâches à plus forte valeur ajoutée. Elle est vue non pas comme un remplacement, mais comme un complément aux compétences existantes, permettant potentiellement d’optimiser le code et d’explorer de nouvelles voies de développement.
3. Coupler l’IA aux projets embarqués : un avis mitigé
À défaut d’avoir un avis tranchant sur le sujet, 29% des acteurs interviewés n’utilisent pas d’outils basés IA, mais restent tout de même intéressés par leur utilisation.
Pour certains, le besoin est déjà présent, avec même la volonté de suivre une formation sur le sujet. Non intégrée en interne pour le moment pour certains sondés, l’utilisation d’outils basés IA se dit potentiellement intéressante au niveau de la conception des logiciels, elle permettrait alors d’améliorer les cycles de développement et de différencier la façon de travailler.
Pour d’autres, le besoin s’installera à moyen / long terme. L’intérêt est présent, mais le cap ne se franchit pas encore, car l’intégration des outils basés IA se révèle trop complexe dans le domaine de l’embarqué et rend impossible l’obtention de certifications.
On parle aussi d’un fort intérêt auprès des nouvelles générations de développeurs qui intègrent l’IA dans leur métier en utilisant, par exemple, ChatGPT pour apprendre les langages de programmation C et C++, mais aussi pour développer de nouvelles fonctions. Quid de cette nouvelle influence ? Pour les entreprises plutôt soucieuses des enjeux portés par l’IA, une réflexion s’installe : comment former les développeurs sur l’utilisation des outils IA tout en les invitant à avoir un esprit critique ?
Vous souhaitez contribuer à cette étude en apportant vos remarques ?
L’impact des outils IA sur les métiers de l’embarqué est un article provenant de la série d’articles Les grands enjeux du monde de l’embarqué. Sa rédaction est issue d’une analyse qualitative réalisée auprès d’acteurs du secteur de l’embarqué. Nous les remercions d’avoir remonté des informations qui dessinent les tendances et problématiques spécifiques rencontrées dans le monde de l’embarqué.